Bâtiment du mois
Cité Carl-Vogt

L’atelier MSV a soigneusement rénové un ensemble résidentiel datant du début des années 1960 à Genève, améliorant ainsi sa performance énergétique. Conçu par les frères Honegger, ce complexe classé comprend 445 logements et une étendue arcade commerciale.

Quel était le but du projet de construction?

La rénovation de la Cité Carl-Vogt avait pour but d’améliorer l’enveloppe thermique et de remplacer les installations techniques des cinq bâtiments de logements avec 445 appartements, des 2 garages et des arcades commerciales sises aux rez-de-chaussée. Le projet confère également au site une qualité paysagère grâce à de nouveaux aménagements extérieurs sur les 3 squares de la Cité et à la végétalisation des toitures, ceci afin de réduire l’effet d’îlot de chaleur dans un contexte très minéral et très dense. Finalement, le projet servait aussi à rétablir les qualités architecturales. Par exemple, les halls d’entrée ont retrouvé leur transparence en déplaçant les locaux poubelles et en les remplaçant par une gestion centralisée des déchets.

La démolition a-t-elle jamais été envisagée? Si oui, pourquoi a-t-elle été écartée?

La démolition n’a pas été envisagée – la Cité est classée «digne d’intérêt» depuis 2008 – mais un projet de surélévation avait été projeté par le maître d’ouvrage en 2010 (avant notre mandat). Il a été abandonné pour différentes raisons.

Y a-t-il des qualités dans l’existant, y compris l’espace extérieur, qui ont influencé le projet?

Oui, les constructions des frères Honegger présentent de nombreuses qualités constructives et spatiales. Le projet a été avant tout développé dans un souci de préservation et de mise en valeur des nombreuses qualités architecturales de la Cité. Elle comporte des typologies et des plans standardisés sur la base d’une trame constructive de 60 x 60 cm, appelée «norme Maroc» ou «système HA» en raison de ces iconiques caissons préfabriqués que les frères Honegger ont expérimentés à Casablanca au Maroc. Ces dalles à caissons sont perceptibles au niveau des balcons, des marquises et de la toiture.

Les appartements mono-orientés et de surface réduite, qui se développent sur une faible profondeur, offrent un ensoleillement jusqu’au fond des pièces. Les surfaces de distribution sont minimales au profit des pièces à vivre, qui sont généreuses. La loggia offre un prolongement du logement et une grande qualité d’usage, mais elle aurait pu être fortement altérée par une isolation périphérique diminuant sa surface, ou si l’on aurait envisagé sa fermeture. Dans son expression architecturale, les garde-corps confèrent une identité remarquable, une intimité et des vues sur le square grâce aux «moucharabiehs». La tablette, alignée à 75 cm au contrecœur des baies vitrées et à la hauteur d’une table, renforce ainsi la continuité entre intérieur et extérieur. Les façades présentent des modénatures fines dessinées par des profils horizontaux et verticaux qui accrochent la lumière. De même, le concept de couleurs renforce encore la «plasticité» de la façade, avec deux plans distincts : les éléments structurels et les remplissages sont enduits de couleurs claires alors que les fenêtres sont peintes de couleurs sombres.

Quelle a été la profondeur de l’intervention? Quels éléments ont été réparés, renforcés ou remplacés et comment?

La rénovation a compris plusieurs interventions. Tout d’abord, un traitement anti-carbonatation des bétons a été effectué sur les façades (éléments pleins et garde-corps des loggias) mais aussi sur les dalles à caissons des loggias et des marquises. Ensuite, les fenêtres et portes-fenêtres ont été rénovées avec des vitrages isolants et des surcadres en bois. Des vitrages isolants collés avec des cornières en acier ont été installés dans les cages d’escaliers, tandis que les arcades commerciales ont reçu des vitrages isolants avec une isolation intérieure sur les menuiseries en acier. Une isolation extérieure en PUR a été ajoutée sur les murs des balcons et des pignons. La Cité a été mise aux normes incendie avec notamment une isolation EI60 des plafonds des caves par des panneaux de mousse minérale Multipor de 10 cm d’épaisseur. Les toitures ont été isolées, celles des garages et des galettes commerciales en rez-de-chaussée ont été végétalisées, et sur celles des blocs logements des panneaux solaires ont été installés.

Les canalisations vétustes et les installations sanitaires ont été remplacées, et une pompe à chaleur alimentée par l’énergie solaire récupère l’air vicié des appartements pour préchauffer l’eau chaude sanitaire. Les citernes à mazout ont été supprimées, et les bâtiments ont été raccordés au système de chauffage à distance CADECO.

À l’extérieur, les trois squares de la Cité ont été réaménagés, en maintenant le patrimoine arboré et en plantant des pins sylvestres et des arbres fruitiers. Ils accueillent deux nouvelles aires de jeux et des zones de stationnement pour les vélos.

En quoi consistait le plus grand défi?

Le déroulement du chantier a représenté un grand défi : les travaux de façades selon une logique horizontale par étage, les travaux de canalisations suivant une logique verticale par colonne, et la rénovation des fenêtres et des salles de bains par groupe d’appartements. Initialement, les salles de bains ne devaient pas être entièrement refaites; seule l’ouverture d’un mur pour changer les équipements sanitaires était prévue. Cependant, il était difficile de trouver un revêtement adapté à toutes les finitions différentes des salles de bains, déjà rénovées à différentes époques depuis la construction des bâtiments. Finalement, toutes les salles de bains ont été complètement refaites. Les travaux ont été réalisés en site occupé, avec un changement de méthode en cours de chantier, en tenant compte des nuisances pour les habitants telles que le bruit, la poussière, les coupures d’eau, la gestion des accès, la rotation des caves et les mesures de sécurité.

Quelles conclusions avez-vous tirées du travail sur ce projet?

Pour un projet de cette envergure plus que pour tout autre, avec un nombre d’acteurs très important, la clé de voûte de la réussite du projet est la communication entre locataires, maître d’ouvrage et architectes.

Quels travaux préparatoires ont été effectués avant que l’avant-projet ne soit commandé?

Des études préliminaires, comprenant l’architecture, l’étude sismique, l’analyse de la toiture, l’étude de la carbonatation du béton et le bilan thermique de l’existant ont été faites. Un mandat d’étude parallèle a été lancé en deux tours, avec un jury comprenant des représentants des monuments et sites (SMS) ainsi que de l’office cantonal de l’énergie (OCEN).

Y a-t-il eu des modèles/objets de référence dont vous vous êtes inspirés?

Le travail du laboratoire «Techniques et sauvegarde de l’architecture moderne» (TSAM ) de l’EPFL sur la rénovation du Lignon à Vernier. Giulia Marino, dans le cadre du TSAM, a également fait une étude sur la Cité Carl-Vogt en 2016.

Rétrospectivement, que feriez-vous, ou le maître d’ouvrage, différemment?

L’expérience du maintien des habitants dans leur logement pendant les travaux au sein de leur appartement a été compliquée pour tous, ce qui se revelait dans le première étape de réalisation. Ce mode opératoire a été modifié pour les quatre étapes suivantes, et les locataires ont été déménagés dans des appartements de rotation pendant les 6 semaines d’intervention dans leur appartement.

Valeurs indicatives de la Rénovation de la Cité Carl-Vogt

Données clés